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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/270

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embarras je souffrois véritablement des peines inconcevables, et, à parler à cœur ouvert, je ne sais pas si j’aurois pu y résister longtemps sans mourir ; mais la crainte d’un plus grand mal modéroit en quelque façon celui que je sentois. »

Mademoiselle, qui jusque là l’avoit écouté fort attentivement sans l’interrompre, prit la parole en cet endroit : « Le choix que j’ai fait, dit cette princesse, n’est pas un choix fait à la hâte ; il y a longtemps que j’y travaille, et j’y ai fait réflexion plus que vous n’avez pensé d’abord. Je vous ai observé de près auparavant, et je ne me suis déclarée enfin qu’après avoir bien songé à ce que j’allois faire. Je n’ai pas choisi seule, afin que vous ajoutiez plus de foi sur l’avis de plusieurs que si ce n’étoit que le mien seul ; et ceux que j’ai consultés là-dessus m’ont entièrement confirmée dans mon dessein. C’est votre esprit, vos actions, votre vertu, c’est de vous-même que j’ai voulu me conseiller, et je vous ai trouvé si raisonnable en tout depuis que je vous observe, que, loin de me repentir de ce que je viens de dire, au contraire je crains de ne pas faire assez pour vous marquer sensiblement mes affections. Quant à cette inégalité de conditions qui vous fait tant de peine, n’y songez point, je vous prie, et soyez assuré que je ne laisserai pas imparfaite une chose à laquelle j’ai travaillé avec tant de plaisir, et j’y travaillerai jusqu’à la fin avec soin, et comme à une affaire dont je prétends faire votre fortune et le sujet de mon repos ; comptez seulement là-dessus. Ce que l’éclat des couronnes dont vous venez de parler n’a pu faire sur mon esprit, votre mérite le