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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/289

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une opinion qui m’étoit fort injurieuse : que toutes les résistances que j’avois faites en cette affaire n’étoient qu’une feinte et une comédie, et qu’en effet j’avois été bien aise de procurer un si grand bien au comte de Lauzun, que chacun croit que j’aime et que j’estime beaucoup, comme il est vrai, je me résolus d’abord, y voyant ma gloire si intéressée, de rompre ce mariage et de n’avoir plus de considération ni pour la satisfaction de la princesse, ni pour la satisfaction du comte, à qui je puis et veux faire d’autre bien. J’envoyai appeler ma cousine : je lui déclarai que je ne souffrirois pas qu’elle passât outre à faire ce mariage ; que je ne consentirois point non plus qu’elle épousât aucun prince de mes sujets, mais qu’elle pouvoit choisir dans toute la noblesse qualifiée de France qui elle voudroit, hors du seul comte de Lauzun, et que je la mènerois moi-même à l’église. Il est superflu de vous dire avec quelle douleur elle reçut la chose, combien elle répandit de larmes et de sanglots et se jeta à genoux, comme si je lui avois donné cent coups de poignard dans le cœur ; elle vouloit m’émouvoir ; je résistai à tout, et après qu’elle fut sortie, je fis entrer le duc de Créquy, le marquis de Guitry, le duc de Montauzier ; et, le maréchal d’Albret ne s’étant pas trouvé, je leur déclarai mon intention, pour la dire au comte de Lauzun, auquel ensuite je la fis entendre, et je puis dire qu’il la reçut avec toute la constance et la soumission que je pouvois désirer [1].

  1. Mademoiselle de Montpensier, dans ses Mémoires, et madame de Sévigné, dans ses Lettres, n’ont pas manqué d’insister sur la douleur bruyante de Mademoiselle et sur la facile fermeté avec laquelle Lauzun supporta le refus du Roi. Pour nous, Lauzun, ambitieux, ne paroît avoir vu