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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/305

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jeu avec le mari de madame de Vandeuil, se retira seule.

Le chevalier de Fosseuse, qui n’avoit pu trouver l’occasion de lui dire ce qu’il sentoit pour elle, et qui avoit une extrême douleur de partir de ce lieu sans le lui témoigner, s’abandonna à la violence de son amour. Il sortit secrètement de chez madame de Vandeuil quelque temps après que madame de Bagneux en fut sortie, et, sans considérer à quoi il alloit s’exposer, il alla à son logis, où, sans la demander à personne, il entra dans sa chambre, qu’il trouva heureusement ouverte.

Madame de Bagneux, qui étoit couchée et qui entendit marcher, croyant que c’étoit son mari, lui demanda s’il avoit perdu. « Oui, Madame, lui répondit alors le chevalier de Fosseuse en soupirant, j’ai perdu, et plus que je ne croyois jamais perdre : car enfin, madame, je suis ce malheureux chevalier de Fosseuse qui vous a vue aujourd’hui et qui vient vous demander pardon de vous avoir trouvée plus adorable mille fois que tout ce qu’il a jamais vu. Je m’expose à tout, Madame, pour vous le dire ; et puisque vous le savez, ordonnez-moi que je meure si vous voulez, mais n’accusez de la hardiesse que j’ai prise que l’excès d’une passion que vous avez causée et que je sens bien qui ne finira qu’avec ma vie. »

Madame de Bagneux fut dans le dernier étonnement d’une pareille aventure. Après avoir traité le chevalier de Fosseuse comme le dernier de tous les hommes, et lui avoir dit plusieurs fois que, s’il ne se retiroit, elle seroit obligée de le faire repentir