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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/306

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de sa hardiesse, elle appela une de ses femmes, nommée Bonneville.

Le chevalier de Fosseuse aperçut alors jusqu’où son amour l’avoit transporté et à combien de choses il étoit exposé. Il approcha du lit de madame de Bagneux, et, rencontrant une de ses mains qu’elle avançoit pour le repousser, la prenant des siennes et la mouillant de mille larmes : « Ce n’est pas tant pour moi que pour vous, Madame, lui dit-il d’un air qui marquoit l’état de son âme, que je vous conjure de penser à ce que vous faites. Que dira-t-on, Madame, si l’on sait qu’un homme ait été dans votre chambre à pareille heure ? Ah ! Madame, on n’aura pas plus de pitié pour vous que pour moi, et néanmoins je souhaite que je sois seul malheureux. »

Bonneville, qui avoit entendu sa maîtresse l’appeler, entra dans la chambre et lui demanda ce qu’elle désiroit. Madame de Bagneux, après avoir conçu du discours du chevalier de Fosseuse qu’en effet, si une telle chose venoit à être sue, on la pourroit tourner criminellement, et même qu’elle pourroit faire impression sur l’esprit de M. de Bagneux, s’étant remise le mieux qu’elle put pour se défaire de Bonneville, elle lui donna quelques ordres pour le lendemain, tels que le trouble où elle étoit lui permit d’imaginer.

Mais après que Bonneville se fut retirée, s’adressant au chevalier de Fosseuse, qui étoit dans le même état d’un criminel qui attend le coup de la mort : « Ne pensez pas, dit-elle en continuant de lui parler d’un ton de colère, que ç’ait été le dessein de vous épargner la confusion que