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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/32

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il faut croire qu’on ne vous dit rien, lorsqu’on vous a tu le mariage que je viens de vous apprendre, pour lequel la Reine a tenu conseil il y a trois jours. — Mais comment sçavez-vous cette nouvelle ? lui demanda le Roi tout outré. — J’ai une personne dans le conseil, dit-elle, qui me rend compte de tout ce qui s’y passe, en vertu de ce que je le protége auprès de mon oncle, qui, comme bien vous ignorez encore peut-être, dispose de la Reine votre mère et de ses volontés [1] : de sorte que le Cardinal, qui remplit les postes les plus éminens qui sont dans vos États de toutes ses créatures, fait dans tous vos conseils ce que bon lui semble ; et, comme il est de son intérêt de se ménager auprès de la Reine, il lui fait sa cour en donnant les mains à ce que Votre Majesté épouse l’infante d’Espagne, que vous aurez par procureur. »

Comme elle en étoit là, le Cardinal entra, qui les étonna fort tous deux. La compagnie du Roi, qui s’étoit beaucoup éloignée d’eux, s’en approcha, et tous ensemble s’entretinrent d’affaires indifférentes. Mademoiselle de Mancini eût bien souhaité s’entretenir avec son oncle et devant la compagnie de l’honneur que lui vouloit faire le Roi de l’épouser ; mais elle disoit en elle-même,

  1. Voy les Mém. de Mme de La Fayette, collect. Petitot, t. 64, p. 383 : « Le Roi étoit entièrement abandonné à sa passion, et l’opposition qu’il (le Cardinal) fit paroître ne servit qu’à aigrir contre lui l’esprit de sa nièce et à la porter à lui rendre toutes sortes de mauvais services. Elle n’en rendit pas moins à la Reine dans l’esprit du Roi, soit en lui décriant sa conduite pendant la régence, ou en lui apprenant tout ce que la médisance avoit inventé contre elle. »