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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/36

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LETTRE DU ROI À MADEMOISELLE DE MANCINI.

Je suis malade, Mademoiselle : c’est la cause qui m’empêche de voler jusqu’à vous. Vos ailes, que je ne crois point arrêtées, devroient bien suppléer au défaut des miennes, s’il est vrai que vous m’aimez. Mais il vous semblera par ce doute qu’effectivement je doute de la faveur que vous me faites. Je suis sensible, mais ma sensibilité sera plus grande quand vous couronnerez mes sentimens de votre présence, jusqu’à ce que le jour heureux que j’attends avec impatience m’en rende le dépositaire. Mais d’ici là, il y a du temps, puisqu’une heure est un siècle pour un amant comme moi, qui ne peux vivre absent de vous. Je vous attends donc pour le rétablissement de ma santé, qui, je crois, ne me viendra que quand vous serez auprès de moi. Le duc de Saint-Aignan vous dira le reste.

La Reine fut au désespoir de la teneur de cette lettre. Elle eût bien voulu la retenir ; mais, comme le Roi avançoit en âge et que son crédit s’augmentoit de plus en plus, elle craignit, en la retenant, faire des effets contraires au rétablissement d’une santé qui intéressoit non seulement la France, mais encore toutes les têtes couronnées, d’entre lesquelles elle considéroit celle d’Espagne, attendu le mariage qu’elle projetoit faire avec l’Infante et le Roi, sachant que l’alliance eût produit la paix générale et donné à Sa Majesté une princesse d’une vertu exemplaire, et dont la beauté n’étoit pas à mépriser, parmi d’autres avantages. Elle considéroit que ce mariage seroit