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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/416

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en la faisant ainsi ressouvenir de son malheur, qu’elles ne lui apportoient du soulagement. Son plus grand mal étoit cependant de n’oser se plaindre ; car, comme son mariage étoit secret, elle jugeoit bien qu’il falloit que ses peines fussent secrètes, si elle ne vouloit se résoudre d’apprêter à rire, non seulement à ses ennemis, mais encore à toute la France, qui avoit les yeux tournés sur elle pour voir de quelle façon elle recevroit la disgrâce de son bon ami. Cela ne l’empêcha pourtant pas de prendre l’homme d’affaires de M. de Lauzun, dont elle fit son intendant, et de recevoir à son service son écuyer et ses plus fidèles domestiques, qui furent ravis de pouvoir surgir à ce port après le naufrage de leur maître.

Cependant le grand Alcandre, ni plus ni moins que si M. de Lauzun n’eût jamais été son favori, écoutoit tout ce qu’on lui en disoit sans en être touché, et même sans y répondre ; ce qui étoit cause que ceux qui étoient encore de ses amis, dont le nombre néanmoins étoit très petit, n’osoient plus lui en parler. On n’osoit même presque plus lui demander la charge du comte de Guiche, parce que, chacun sachant que ç’avoit été là la pierre d’achoppement, on craignoit qu’elle ne fît le même effet pour les autres qu’elle avoit fait pour lui. Comme on étoit cependant tous les jours dans l’attente pour voir à qui le grand Alcandre la donneroit, on fut tout surpris qu’un matin, à son lever, il dit au duc de La Feuillade [1], que,

  1. Il avoit ce titre depuis janvier 1672, que sa femme, Charlotte Gouffier, lui avoit apporté le duché de Roannez par la cession volontaire que lui en avoit faite Artus Gouffier,