Aller au contenu

Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/447

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vivre sans la voir. Cette réponse fit que L’Avocat recommença ses complimens, qui n’auroient point eu de fin si elle ne les eût interrompus pour lui demander comment il gouvernoit Louison d’Arquien [1]. Il rougit à cette demande, et la duchesse, s’en étant aperçue, lui dit qu’elle estimoit les hommes qui avoient de la pudeur ; qu’il étoit bien vrai que, cette fille étant une courtisane publique, il n’y avoit pas trop d’honneur à la voir ; mais que le comte de Saulx, le marquis de Biran, le duc de La Ferté même, et enfin toute la cour la voyant, il n’y avoit pas plus d’inconvénient pour lui à la voir qu’à tant de personnes de qualité ; que pourvu qu’il ne l’entretînt pas publiquement, comme le bruit en couroit, il n’y avoit pas grand mal ; mais que pour elle, elle n’en avoit jamais voulu rien croire, l’ayant toujours reconnu trop sage et trop homme d’honneur pour cela.

M. L’Avocat, maître des requêtes, soutint hautement que c’étoit une médisance, et même il auroit encore soutenu qu’il ne l’avoit jamais vue, si la duchesse, qui le voyoit embarrassé, ne lui eût donné moyen de s’excuser, tournant la conversation comme elle avoit fait. Il lui dit donc qu’il n’y avoit jamais été que par compagnie, et, croyant dire les plus belles choses du monde, il lui jura que, quelque beauté qu’eussent ces sortes de femmes-là, il faisoit bien de la différence entre elles et une personne de son mérite ; et tâchant de faire son portrait en même temps, il lui fit voir qu’il avoit beaucoup de mémoire, s’il n’avoit pas

  1. Louison d’Arquien, célèbre courtisane.