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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/448

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beaucoup de jugement, car la duchesse se ressouvint d’avoir lu, il y avoit quelques jours, dans un livre de galanterie, toutes les choses dont il lui faisoit alors l’application.

Cependant elle fut toute prête de se scandaliser de la comparaison qu’il sembloit avoir faite d’elle et de Louison d’Arquien : car, quelque distinction qu’il y eût apportée, elle ne laissoit pas de la choquer, et cela apparemment parce que, sachant elle-même la vie qu’elle menoit, elle croyoit que c’étoit un avertissement secret que L’Avocat lui donnoit de se corriger. Cependant, comme elle fit réflexion qu’il n’étoit pas malicieux de son naturel, et que cette parole lui étoit échappée plutôt par hasard qu’à aucun méchant dessein, elle calma sa colère, en sorte que la conversation se termina sans aigreur.

Le lendemain il la revint voir, et trouva la duchesse fort mal, car elle avoit pris ce jour-là un grand remède. Elle se plaignit fort d’une grande douleur qu’elle souffroit, et, l’attribuant à une médecine qu’elle avoit prise, dont il restoit encore environ la moitié dans un verre, il fut prendre ce verre et avala ce qui étoit dedans. Il dit, avant que de le faire, qu’il ne vouloit pas qu’il fût dit que la personne du monde qu’il aimoit le plus souffrit pendant qu’il étoit en santé.

La duchesse ne put s’empêcher de rire de cette extravagance, qu’il faisoit cependant sonner bien haut comme une marque de la plus belle amitié qui fut jamais. Mais, faisant réflexion ensuite que cette médecine l’empêcheroit peut-être de sortir le lendemain, et qu’il ne pourroit par conséquent voir la duchesse ce jour-là, il poussa des regrets