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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/483

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que le grand Alcandre ne fût guère délicat, d’aimer une fille qui avoit eu des amourettes dans sa province ; qu’elle n’avoit ni esprit ni éducation, et qu’enfin, à proprement parler, ce n’étoit qu’une belle peinture. Elle en disoit encore mille autres choses aussi fâcheuses, ce qui, bien loin de ramener le grand Alcandre comme elle pensoit, le détourna encore davantage de revenir à elle. En effet, il lui voyoit toujours le même esprit d’orgueil qu’il n’avoit jamais pu humilier, et qui étoit encore tout prêt de lui faire mille algarades. Il s’en plaignit au prince de Marsillac, qui l’entretint dans l’aversion qu’il se sentoit pour elle, et qui en sut faire sa cour ensuite à madame de Fontanges.

Cependant cette fille vint à accoucher peu de temps après, et on prit ce temps-là, à ce qu’on croit, pour l’empoisonner [1], ce que l’on a attribué à madame de Montespan, soit qu’on s’imagine qu’une personne dans le chagrin où elle étoit dût se porter à un si grand crime, ou qu’on croie

  1. Madame de Sévigné parle en effet d’une perte de sang continuelle qui avoit ruiné la santé de mademoiselle de Fontanges. Dans sa lettre du 1er mai 1680 elle dit même : « Vous savez tout ce que la fortune a soufflé sur la duchesse de Fontanges. Voici ce qu’elle lui garde : une perte de sang si considérable qu’elle est encore à Maubuisson, dans son lit, avec une fièvre qui s’y est mêlée. Elle commence même à enfler ; son beau visage est un peu bouffi. » Cependant mademoiselle de Fontanges revint à la cour et retrouva une apparence de faveur. Mais le Roi ne quittoit pas madame de Maintenon, et mademoiselle de Fontanges, au dire de madame de Sévigné, ne cessoit de pleurer son bonheur perdu. Enfin la lettre du 1er septembre 1680 constate les soupçons d’empoisonnement : « On dit que la belle beauté a pensé être empoisonnée… Elle est toujours languissante. »