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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/56

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en étoit avec sa maîtresse. Elle a avoué elle-même que toute sa fierté l’abandonna et qu’il ne l’aborda qu’en tremblant. Il s’étoit mis le plus magnifique qu’il eût jamais fait, et l’alla voir chez Madame, que le comte de Guiche entretenoit. Alors les filles qui étoient avec La Vallière se retirèrent par respect, si bien qu’il demeura seul avec elle. Il lui dit tout ce qu’un amour tendre et violent peut faire dire à un homme qui a de l’esprit et de la passion, l’assura que sa flamme seroit éternelle, qu’il ne lui demandoit point cette faveur par un sentiment que les hommes ont d’ordinaire, que ce n’étoit que pour avoir la satisfaction de se dire mille fois le jour qu’il n’avoit plus lieu de douter que son cœur ne fût absolument à lui. Elle, de son côté, lui fit comprendre que ce n’étoit qu’à la seule tendresse qu’elle accordoit cette grâce, que la grandeur ne l’éblouissoit pas, qu’elle aimoit sa personne, et non pas son royaume ; et enfin, après avoir dit : « Ayez pitié de ma foiblesse », elle lui accorda cette ravissante grâce pour laquelle les plus grands hommes de l’univers font des vœux et des prières [1]. Jamais fille ne chanta si haut les abois d’une virginité mourante ; elle redoubla son chant plusieurs fois. Le Roi étoit plus brave qu’on ne peut penser (et avec raison il eût pu défier mille… et mille Saucourts [2]).

  1. « Toute la cour alla à Vaux… Le Roi étoit alors dans la première ardeur de la possession de La Vallière, et l’on a cru que ce fut là qu’il la vit pour la première fois en particulier ; mais il y avoit déjà long-temps qu’il la voyoit dans la chambre du comte (depuis duc) de Saint-Aignan, qui étoit le confident de cette intrigue. » (Hist. de madame Henriette, par madame de La Fayette, collect. Petitot, t. 64, p. 403-404.)
  2. Manque dans la copie de Conrart. — Antoine Maximilien