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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/68

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Roi l’en aima encore mieux, et lui dit qu’il prétendoit avoir pour sa maîtresse une foi inviolable, mais qu’il vouloit en être aimé. C’étoit sur les deux heures que le Roi disoit tout ceci au Duc, et sur les sept heures du soir il fut pris d’étranges maux de tête et de vomissemens furieux. Le Duc alla trouver La Vallière, et lui raconta mot pour mot tout ce que le Roi lui avoit dit. La Vallière lui répondit que le caprice du Roi l’avoit affligée, mais qu’après tout elle n’étoit pas d’humeur à lui demander des pardons (pour un mal qu’elle n’avoit pas fait [1]), qu’elle avoit lieu de se plaindre de lui et qu’il n’en avoit point de se plaindre d’elle, et que ce n’étoit point parce qu’il étoit son roi qu’elle avoit pris soin de lui plaire ; qu’elle en auroit usé tout de même pour un autre qu’elle auroit aimé.

Cependant le Roi passa une fort méchante nuit, et toute la cour le fut voir le lendemain ; de Vardes [2] lui dit mille équivoques sur son mal fort spirituellement [3] ; enfin, ce malade amoureux pria son confident d’aller trouver de sa part sa maîtresse, de lui apprendre la cause de son mal. Elle le reçut avec une mélancolie extrême et lui avoua qu’elle souffroit des maux inconcevables, et qu’il

  1. Manque dans le ms. de Conrart.
  2. Le marquis de Vardes, maître passé en galanterie. Sur ce personnage, « l’homme de France le mieux fait et le plus aimable », disent les Mémoires de Daniel de Cosnac, sur ses nombreuses intrigues, et en particulier sur ses amours avec la comtesse de Soissons, voy. Les Nièces de Mazarin, par M. Amédée Renée, p. 189 et suiv. ; Mém. de Conrart, p. 250 et 278. — Cf. t. 1, p. 270.
  3. Var. : Madame lui dit cent equivoques fort spirituelles. (Ibid.)