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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/72

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je veux que vous alliez tout présentement dire à madame de Soissons que je lui défends l’entrée du Louvre [1]. » Le Duc lui demanda s’il avoit bien songé à cet ordre. « Oui, reprit le Roi, si bien que je veux que vous l’exécutiez tout à l’heure. — Mais si j’osois, répliqua le Duc, vous faire ressouvenir que vous avez eu autrefois quelque considération pour madame de Soissons. — Je vous entends, répliqua le Roi, c’est que vous voulez dire que je l’ai aimée. Non, croyez que je ne l’ai jamais fait ; elle n’a pas assez d’esprit pour m’avoir jamais rien inspiré, sinon à l’âge de quinze ans, où elle m’entretenoit des couleurs qui me plaisoient le plus ; aussi je ne me priverai de rien qui puisse être un obstacle à la vengeance que je dois à mademoiselle de La Vallière. — Je le veux croire, répondit le Duc ; mais, Sire, n’avez-vous point égard à toute une grande famille et à la mémoire de son oncle ! — Que vous me connoissez peu, Saint-Aignan, lui dit-il, si vous croyez que la considération de ce que l’on aime l’emporte par dessus celle d’une famille ! Quoi ! il sera permis à monsieur celui-ci, à madame celle-là, d’insulter une personne que j’honore ? Est ce avoir du respect pour moi que d’en manquer pour ce que j’aime ? Peut-on pousser une insolence plus loin que de mépriser ce que son Roi estime ? Après tout, une Vallière ne vaut-elle pas bien une Manchini ? Je m’étonne que de Vardes,

  1. La mesure étoit d’autant plus exorbitante que la comtesse de Soissons, sans parler de son titre de surintendante de la maison de la Reine, étoit, par son mariage avec un prince du sang, au premier rang des personnes qui avoient le droit d’entrer au Louvre, et d’y entrer en carrosse.