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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/73

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qui sait si bien aimer, n’a pas appris à madame de Soissons que l’on sent incomparablement davantage ce qui s’adresse à ce qu’on aime que ce qui touche soi-même. Ma foi, ces petites gens-ci règleront bientôt ce que je dois aimer. Pardieu ! c’est être bien misérable ; il n’y a pas un petit gentilhomme qui ne fasse respecter sa maîtresse par ses amis et ses vassaux, et un roi n’en peut venir à bout ? Je proteste pourtant qu’en quelque manière que ce soit, j’y réussirai, et je commencerai par madame de Soissons. — Mais, lui dit le Duc, Votre Majesté a-t-elle bien pensé aux intérêts de mademoiselle de La Vallière ? Ne croyez-vous point que les Reines vont être ravies d’avoir prétexte de crier contre elle, et de pouvoir dire qu’elle ne cause que des désordres ? — Ha ! reprit le Roi, le plus affligé du monde, c’est assez, je n’ai plus rien à dire, sinon que je suis le plus malheureux de tous les hommes. En effet, y a-t-il quelqu’un, pour chétif qu’il soit, qui ne venge ce qu’il aime ? et moi je ne puis. Vous avez raison, les Reines feroient rage contre cette pauvre fille, et l’on n’a désormais qu’à l’insulter, qu’à la piller et qu’à la maltraiter : Mesdames le trouveront bon, tant elles ont d’amitié pour moi. » En disant cela les larmes lui tombèrent des yeux de chagrin et de rage. Le Duc alla faire un fidèle récit de tout ceci à La Vallière, qui écrivit par lui ce billet :

Que je vous aime et que vous méritez de l’être, mon cher ! mais il me fâche de troubler vos plaisirs par mes malheurs. Pourquoi appeler malheur ce qui ne l’est point ? Non, je me reprends : tant que mon cher prince