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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/74

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m’aimera, je n’en aurai jamais ; rien ne me peut affliger que sa perte. Voilà mes sentimens, conformez-y les vôtres, et nous mettons au dessus de ces gens qui ne sauroient nous nuire. Adieu, venez ce soir plus tôt qu’à l’ordinaire.

Le Roi n’eut pas plutôt lu ce billet qu’il partit aussitôt, et Dieu sait s’ils se dirent et se firent des amitiés. Cependant le Roi vit madame de Soissons dans les jardins de Saint-Cloud, à laquelle il fit mille incivilités. Dans ce temps, madame de Bellefonds eut un différend avec son mari. Le roi donna tout le bon côté à Bellefonds. Quinze jours après, le Roi, qui avoit passé depuis midi jusques à quatre heures après minuit avec La Vallière, vint se coucher ; il trouva la jeune Reine en simple jupe auprès du feu, avec madame de Chevreuse. Comme le Roi se sentit encore mécontent contre elle pour La Vallière, il lui demanda avec une horrible froideur pourquoi elle n’étoit pas couchée. « Je vous attendois, lui dit-elle tristement. — Vous avez la mine, lui répondit le Roi, de m’attendre bien souvent. — Je le sçais bien, lui répondit-elle ; car vous ne vous plaisez guère avec moi, et vous vous plaisez bien davantage avec mes ennemies. » Le Roi la regarda avec une fierté qui approchoit bien du mépris, et lui dit d’un ton moqueur : « Hélas ! Madame, qui vous en a tant appris ? » et en la quittant : « Couchez-vous, Madame, sans tant de petites raisons. » La Reine fut si vivement touchée, qu’elle s’alla jeter aux pieds du Roi, qui marchoit à grands pas dans la chambre. « Eh bien, Madame, que voulez-vous dire ? lui dit-il. — Je veux dire, répondit la