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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/84

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écrite à la senora Molina de l’amour du Roi pour La Vallière, et le traitoit comme à son ordinaire de jeune fanfaron. Jamais surprise ne fut si grande que celle qu’eut le Roi en lisant cette lettre et connoissant que de Vardes, à qui il s’étoit confié, étoit complice de cette malice ; il en parla à Madame sans aucun emportement, mais avec une extrême douleur qui faisoit connoître la bonté de son cœur. Elle, qui ne se soucioit de rien pourvu qu’elle pût justifier le comte de Guiche, avoua au Roi toute la menée de madame de Soissons et de Vardes. Le Roi envoya quérir ce dernier, et, après lui avoir fait de sanglans reproches de son infidélité, l’exila [1]. On ne peut s’imaginer le déplaisir de madame de Soissons à cette nouvelle, que de Vardes lui apprit par un billet que voici :

Je vous représenterois, Madame, quelle est ma douleur, si je ne craignois de vous envelopper dans mon malheur, que je recevrois avec beaucoup de courage s’il ne me séparoit pas de vous pour jamais. J’attends de mon désespoir une prompte mort, qui finira mes infortunes et qui me donnera le repos qu’il y a si long-temps que j’ai perdu. Au nom de Dieu, Madame, souvenez-vous quelquefois de moi, comme d’un assez honnête homme que l’amour rend misérable ; et, par un généreux effort, ne vous abattez point de toutes les traverses que vous aurez à souffrir. Ah ! Madame, si je vous voyois dans ce moment, j’ouvrirois mon cœur à vos pieds.

Madame l’alla voir et tâcha de la consoler,

  1. « Il est à Montpellier. » (Ms. de Conrart.). — Le billet qui suit ne paroît pas dans Conrart.