Aller au contenu

Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cruelles pour lui faire déchirer un collet [1] de mille écus, en se pendant au cou du Roi ; (elle ne pouvoit souffrir que d’autres mains approchassent d’elle que celles qui sont destinées à manier des sceptres et des couronnes [2]). Enfin le Roi fit des choses en cette occasion sinon propres, du moins passionnées ; il est constant qu’il faillit à mourir lorsque madame de Choisi cria comme une folle : « Elle est morte ! » Madame de Montausier le crut aussi, tant elle eut une syncope violente. « Au nom de Dieu, s’écria le Roi fondu en larmes, rendez-la moi, et prenez tout ce que j’ai. » Il étoit à genoux au pied de son lit, immobile comme une statue, sinon dans de certains momens, qu’il faisoit des cris si funestes et si douloureux que les dames et les médecins fondoient en larmes. La nuit, enfin, elle revint. D’abord elle regarda où étoit le Roi ; madame de Montausier le fit approcher de son lit : elle lui serra les mains, quoique très foiblement, mais la douleur du Roi augmenta ; on l’en arracha par force, et on le mit sur un lit. Ce fut un petit garçon [3] qui donna toutes ces douleurs à cette créature, qui diminuèrent quelque peu après par des remèdes souverains que les médecins y apportèrent. D’abord qu’elle eut quelque soulagement de ses douleurs, elle demanda à madame de Montausier ce qu’il lui sembloit de l’amour du Roi ; et elle lui en parla comme en étant charmée, et voulant

  1. De deux mille escus, dit la copie de Conrart.
  2. Cette phrase manque dans le ms. de Conrart.
  3. Louis de Bourbon, comte de Vermandois, amiral de France, né le 2 octobre 1667, mort en 1683.