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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/94

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qui sent son bois, de manière qu’il n’y a plus que l’esprit qui fait aimer le corps ; il est vrai que c’est tous les jours de plus en plus, et que selon les apparences ces deux cœurs s’aimeront éternellement. La Vallière sera toujours la grande passion du Roi, (qui lui occupera le cœur et l’esprit) ; pour les autres, ce ne seront que de petits feux follets, (qui ne seront seulement que pour satisfaire son corps [1]), et qui n’auront pas de durée. Je pense aussi que le comte de Guiche aimera toujours Madame, mais je ne dis pas que Madame aimera toujours le comte ; car cette belle princesse n’aime pas les vieux soupirs, et, si elle ne donne rien à faire, je suis sûr qu’elle donnera bien à penser. Cependant le comte a mandé au maréchal son père qu’il le supplioit de faire donner ses charges au comte de Louvigny [2] son frère, qu’il renonce pour jamais à revenir en France, qu’il fuira plus que la mort cette terre ingrate et malheureuse, qu’il n’aime ni n’estime son Roi, qu’il n’a que des amis sans vertu, qu’il n’a aucun engagement agréable, parce que la femme qu’il a épousée par son ordre [3] est peu aimable pour lui, qu’il vivroit toujours mal avec

  1. Les passages entre crochets manquent dans la copie de Conrart.
  2. Antoine Charles, comte de Louvigny, frère du comte de Guiche et de la princesse de Monaco. Après la mort du comte de Guiche, en 1673, il prit le nom de comte de Guiche, et enfin, en 1678, à la mort du maréchal son père, le titre de duc de Grammont.
  3. Marguerite-Louise-Suzanne de Béthune, mariée à treize ans au comte de Guiche. « Le comte de Guiche se soucioit si peu de sa femme, qu’il n’avoit épousée que parceque son père le vouloit, qu’il étoit bien aise de ne la jamais voir, et on disoit qu’il vivoit avec elle comme un homme qui vouloit