Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/229

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en rendre davantage. Si cela étoit, et que j’eusse quelque part à cette direction, je vous assure que je donnerois dès à présent ma voix à notre ami pour y loger. Qu’en dites-vous, Madame ? cela ne lui est-il pas bien dû ? et dans les Invalides qu’on dit que le Roi va faire bâtir[1], n’y entrera-t-il pas tous les jours des personnes qui se porteront bien mieux que lui ? — Que vous êtes fou ! monsieur le duc, répondit aussitôt madame de Lionne ; et si l’on ne savoit que vous n’entendez pas malice à ce que vous dites, qui est-ce qui ne rougiroit pas des discours que vous tenez ? » Elle mit aussitôt un éventail devant son visage, pour lui faire accroire qu’elle étoit encore capable d’avoir de la confusion ; mais le duc de Sault, qui savoit combien il y avoit de temps qu’elle étoit dépaysée, se moqua en lui-même de ses façons, sans se soucier de la pousser davantage.

Le comte de Fiesque avoit écouté tout cela sans prendre part à la conversation, et il éprouvoit qu’une longue attache est presque comme un mariage, dont on ne ressent jamais la tendresse que quand les liens sont près de se rompre. Il rêvoit, il soupiroit, et la présence du duc de Sault n’étoit pas capable de le jeter dans le contraire : car, comme ils étoient bons amis, ils s’étoient dit mille fois leurs affaires, et il n’y avoit pas deux jours que ce duc l’avoit même prié de le servir auprès de la marquise de Cœuvres, fille de madame de Lionne[2]. Ce fut pour cela qu’il résolut de

  1. Les premiers fondements de l’Hôtel des Invalides furent jetés le 30 novembre 1691, sur les dessins de l’architecte Libéral Bruant.
  2. Madelaine de Lionne, fille de Hugues de Lionne, secrétaire