Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/344

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connoître ce qu’elle étoit. Mais enfin, le plaisir qu’il avoit de s’entendre dire que sa maîtresse étoit la femme d’un maréchal de France lui faisoit passer par-dessus beaucoup de choses. D’ailleurs, elle lui faisoit accroire que, s’il y avoit quelque apparence contre elle, son fond ne laissoit pas d’être réservé pour lui. Mais enfin, après avoir pris plusieurs fois ces excuses pour argent comptant, il s’aperçut qu’elle le donnoit à d’autres pour le faire valoir, ce qui le mit en si grande colère, qu’il lui écrivit cette lettre :

Lettre de Bechameil a la Maréchale de la Ferté.


Je romps le bail que j’avois fait avec vous, parce que vous manquez aux clauses et conditions que nous y avons apposées. Vous vous étiez obligée de ne donner votre cœur qu’à moi, et cependant il faut que je partage avec un nombre infini de gens dont vous vous encanaillez tous les jours. Ainsi, n’y pouvant trouver l’émolument que je m’étois promis, je me dessaisis de la part que j’y avois, au profit de qui il vous plaira, ou, pour mieux dire, du premier venu. Quoi faisant, j’appliquerai dorénavant mes dix mille écus à une terre que je labourerai tout seul.

Cette lettre chagrina fort la maréchale. Une somme si considérable lui étoit fort utile, joint à cela qu’elle trouvoit moyen, de temps en temps, d’arracher encore quelques présents de lui. Et, à la vérité, elle avoit lieu d’avoir du chagrin, car les affaires de son mari commençoient à aller si mal,