Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/143

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La montagne se dresse à nos yeux faisant une large tache d’un vert sombre sur le ciel bleu, tandis que le funiculaire monte et descend dans un mouvement rythmé et gracieux, avec son ruban gris, qui flotte dans l’air, comme la ceinture d’une belle.

La fraîcheur de la forêt déjà vous baise au front, une forte senteur de sapin caresse l’odorat de son parfum sauvage, caresse l’esprit de sa douceur pénétrante.

L’herbe où s’enfonce la cheville a le moelleux d’un tapis de Turquie, c’est le péristyle du temple du bon Dieu. Les petits inconscients y pénètrent, bondissants comme des chevreuils. Nous, que le tourment de l’infini obsède, nous devenons, sans savoir pourquoi, recueillis et respectueux, avec une prière montant de notre cœur à nos lèvres vers Celui que célèbrent le murmure des feuilles, le chant de la source, les soupirs des oiseaux amoureux, le bourdonnement des insectes, harmonie mezzo voce qui ne trouble guère le grand silence de la forêt !

Toutes ont promené leurs ombrelles dans le large chemin crayeux coupé dans le roc. Mais, connaissez-vous les ravins profonds et les sentiers ombreux de la montagne où flottent dans l’air les serments d’amour de nos aïeux, ses rochers en saillie recouverts de mousse et d’églantines, ses flaques d’eau où le soleil filtrant à travers le feuillage met de grands ronds d’or ?

Voulez-vous une sensation plus délicieuse encore ? Prenez le funiculaire, installez-vous commodément dans le petit wagon, bannissez tout sentiment de frayeur, vous êtes en sécurité comme dans votre boudoir. Fermez les yeux, puis, ouvrez-les tout à coup… Quelle féerie ! un splendide panorama se déroule à vos regards éblouis. Il semble qu’il vous soit poussé subitement deux grandes ailes et que vous planez au-dessus de la ville, baignée dans une mer de lumière. Elle apparaît ainsi qu’un im-