Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/148

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Rien n’est mystérieux comme ces êtres délicats qui seront des femmes. On les frôle, sans se douter de ce qui se passe dans ces petits cœurs, sous le corsage étroit des robes princesses. Que d’amours et de haines elles roulent dans leurs cervelles d’oiseaux, que de rêves en des pays imaginaires, que de pénibles réflexions sur l’injustice humaine et surtout que de désastreuses déductions elles en tirent !…

C’est le soir de la rentrée. Les élèves viennent de finir une grande ronde et se promènent en causant. Les grandes dans les coins, caquettent tout bas.

— La jolie bague, que tu as là, Marguerite, est ce un présent de ton cavalier ?

— Chut ! voilà Mère. L’homélie de M. le Chapelain était superbe, j’ai pleuré quand il a parlé des vocations — Oui, ma chère, c’est un cadeau de Paul.

Tu sais, nous avons rudement comploté. Paul m’écrira. Il signera Pauline. Lili, la petite demi-pensionnaire, sera notre messagère. Je lui donnerai des bonbons. Nulle crainte qu’elle ne me trahisse, elle est si gourmande ! J’ai le portrait de Paul avec mon scapulaire, quand Mère me verra baiser mon scapulaire deux ou trois fois avant de m’endormir, cela me vaudra de bien bonnes notes, hein ?…

La pauvre petite Juliette, encore toute secouée par la scène de son départ, rêve tristement dans un coin.

L’ombre qui descend des arbres l’attriste davantage ; il semble que les grands murs de pierre se resserrent sur son cœur et qu’elle va étouffer. La lourde porte roule sur ses gonds, la clef grince dans la serrure. Elle est condamnée ! Il faudra passer encore un long mois loin de