Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/166

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le front pur de l’adolescente. Brune ou blonde selon que les yeux seront bleus ou noirs ; elle passera dans l’idylle entrevue, à travers les rideaux de mousseline, par la complicité d’un clair de lune. Vous qui croyez que les petites filles endormies sourient aux anges, ah ! ah !… les séraphins, dites-moi, ont-ils des moustaches ?…

Et, je vous souhaite mes bons lecteurs, de nombreux petits enfants qui vous tireront la barbe, attendu, qu’on n’ose pas toujours, nous autres…

Au nom de l’esthétique, Messieurs, supprimez breloques, monocle, éperons, etc. ; mais je vous en conjure de nouveau, gardez vos moustaches. Je ne sais quelle vague impression de tristesse me prend, quand je vois ces peaux tondues, tachetées de picots noirs, je pense à la désolation des prés de novembre, que pas une alouette ne vient becqueter.

La nature se montre prodigue à l’égard du mâle, richesse de coloris dans le plumage, harmonieuses vocalises du ramage, luttent avec la fidélité, les instincts de prévoyance, de dévouement et de fidélité de sa douce compagne. Le paon étale avec orgueil ses plumes couleur d’arc-en-ciel, le rouge-gorge, sa collerette de cardinal, le coq, sa crête majestueuse. Seul l’homme, défini par l’histoire naturelle, un animal raisonnable, (raisonneur serait plus juste) s’obstine à corriger le Créateur, en s’épilant.

Et, ceux qui n’ont jamais eu de moustache ?… Assurément le Seigneur n’exigera pas de moisson où il n’a pas semé. Il est de douces figures si belles, si nobles, si fières, comme celle de Lamartine, où la moindre ombre ferait tache. Des anges de Raphaël, qui font rêver à un autre amour plus éthéré, plus délicat, dans quelque monde fluidique, peuplé d’êtres diaphanes.