Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/170

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jours, cette touchante épopée. Je la voudrais, chantée par un Homère, harmonisée par un Gounod, illustrée par un Lebrun ! Et pourtant, je l’aime bien dite naïvement par nos campagnards. Le patriotisme scellé par le sang, s’impose à l’admiration des plus sceptiques. C’est donc vrai que la jeune génération est malade et vieillie par son positivisme. Elle ne croit qu’à ce qui est palpable, à l’agréable, au délectable, aux plaisirs de l’argent ! Est-ce pour ça qu’elle décline ? Car le plaisir tue, l’argent corrompt, et la mort est d’autant plus cruelle, qu’elle brise une vie plus heureuse.

Les patriotes de 37 sont morts sous le coup de la désapprobation épiscopale.

Ils eurent tort assurément, comme catholiques, mais notre cœur de Canadien a la faiblesse de les excuser. Le martyre absout de bien des forfaits, même du crime d’aimer son pays à l’idolâtrie.

D’ailleurs, le mot patriote est le nom de famille dont le prénom peut être indifféremment « catholique » ou « protestant. » M. Stanislas, comment avez-vous le triste courage de renier la plus belle page de notre histoire, celle que jalouserait la nation la plus chevaleresque du monde, celle qui crée l’orgueil d’être Canadiens, celle dont la longue méditation peut donner au pays des lutteurs intrépides, des hommes ardents au bien de la patrie ?

Avez-vous entendu un des nobles vétérans de 37 raconter un épisode de la rébellion à ses petits enfants ? Avec un légitime orgueil, il essuie ses yeux : « J’en étais, moi. » Sa voix tremble d’indignation en évoquant les longues luttes avec les maîtres, les humiliations subies, les misères endurées ; c’est la fuite à travers les bois, demi-mort de faim, en route vers la frontière : la flamme aperçue au loin, pareille à une gerbe s’élargissant comme