Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/18

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anglais sonnait le glas des vainqueurs d’hier gisant étendus sur la plaine et regardant le ciel de leurs grands yeux éteints !

Intrépide, fou d’audace, Montcalm excitait ses soldats à la lutte suprême. Il observait les ennemis, donnait des ordres à ses officiers, relevait le courage défaillant de ses soldats. Tout-à-coup, on le vit bondir au milieu de la mêlée. D’un geste sublime, il montrait le drapeau blanc, et plus qu’une longue prosopopée, le regard d’amour dont il enveloppait le morceau de soie noircie par la poudre, enthousiasmait les combattants. Sans craindre les boulets qui creusaient autour de lui une trouée de plus en plus profonde, il criait d’une voix vibrante : « En avant ! » Et les soldats, hypnotisés, le suivaient en répondant : « Vive la France ! »

Mais il était dit que l’héroïsme serait vaincu. Soudain une bande de feu éclaira l’horreur du champ de bataille, et une décharge de mousquets éclata comme un coup de foudre. Dans la bousculade serrée, affolée qui s’en suivit, le général français tomba, frappé à l’épaule par une balle meurtrière. Comme si elles n’eussent attendu que ce signal, les troupes anglaises fondirent comme des vautours sur la poignée de braves qui se débattaient, dans les affres de l’agonie, tandis que Montcalm, oubliant qu’il allait mourir, ne cherchait qu’à se dresser sur ses jambes pour voler au secours de son armée menacée. Il grattait la terre de ses ongles, une écume rougeâtre aux lèvres, dans sa rage impuissante de ne pouvoir vaincre l’infâme, qui déjà immobilisait ses membres. Avec l’énergie de ceux qui ont fait l’holocauste de leur vie, il se traîna jusqu’au drapeau blanc, s’accrochant à la hampe, il porta ses lèvres sur le sublime haillon, et de ses bras défaillants il l’enlaça dans une