Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/200

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trissant son inconsciente tare d’un nom ignominieux, vouant au mépris des âmes vulgaires, de la plèbe ignorante, ce pâle front de martyr sillonné d’une marque infamante ?

Quel beau présent que cette vie que tu lui jettes comme une aumône !… Enfant sevré de bonheur et de tendresse avant que d’y avoir goûté, âme éteinte et glacée, comme ces blafardes étoiles aux rayons mourants qui, demain, vont sombrer dans le vide, figures ternes où ne brille pas le noble orgueil, la sainte fierté, du libre citoyen de l’univers.

Bien court fut l’épisode de leurs amours : il était brun, elle était blonde ; ils se virent, s’aimèrent et se le dirent. Pleins d’idéal tous deux, ils brodaient sur le canevas de l’avenir de jolis dessins : un ciel toujours bleu, une onde limpide, une barque légère, continuellement bercée d’un même mouvement rythmé et doux, des jardins à perte de vue, des fleurs, des fleurs, des fleurs, de toutes sortes, muguets, roses, marguerites, myosotis, chrysanthèmes, qu’ils cueillaient ensemble, composant, appuyés l’un sur l’autre, le joli bouquet de leur vie : l’éternelle idylle des vingt ans !

Puis, tout à coup, comme dans un décor de Faust, les fleurs tombent en cendres, à l’instar d’un vase de Pompéi.

Mais, cette fois, au lieu de Méphistophélès, c’est la froide Raison qui vint souffler sur leurs beaux rêves d’or, et les fit s’envoler comme une nichée de moineaux.

Pauvres amoureux, assis au bord du chemin, ils écoutent sans comprendre la voix métallique de l’austère mentor.

— Arrière, toi, qui osas porter tes aspirations amoureuses sur cette jeune fille belle et pure. Ignores-tu ton