Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/201

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origine : enfant trouvé, larve humaine, oubliée sur le seuil d’un hospice ? Ah ! Ah !… tu as cru que ta figure d’Adonis, l’éclair de génie qui brille en tes yeux, la vigueur de ton bras, la sûreté de ton ciseau, pouvaient remplacer le nom qui te manque… Erreur ! On pardonne aux fils perdus leur lâcheté, leurs déshonorantes passions, mais la loyauté, la droiture, la valeur d’un enfant trouvé sont irrévocablement condamnées devant le tribunal des honnêtes gens… Mais qu’attends-tu donc ? Mais va-t-en !

Et le bras tendu, pâle et dure comme une statue de mausolée, la déesse rigide terrorise le pauvre enfant… Il essaie de parler, mais les sons meurent dans sa gorge. Comme Adam chassé de l’Éden, courbé, rougissant, il s’éloigne en sanglotant. Il se retourne indécis, croyant entendre un soupir, l’appel de sa fiancée ; son regard embrasse une dernière fois le paradis perdu, puis l’adolescent pousse un grand cri et s’enfonce dans la solitude des déserts où gronde le simoun, où des nuages de poussière tourbillonnent en spirale vers le ciel noir.

Anges qui voilez votre face devant l’Éternel, vous n’avez pas laissé la terre boire les larmes de Pierre et de Madeleine, recueillez, dans des coupes étincelantes, les pleurs des enfants-trouvés ! Portez-les sur l’autel des sacrifices, qu’ils parfument le paradis, et tombent sur l’âme des mères dénaturées pour les purifier.