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bleu — blanc — rouge

et j’ai hâte de m’échapper de ces antres maudits, tant j’ai peur que la terre s’ouvre pour engloutir cette élégante société.

Je passe sous silence les deux plus basses personnifications de la calomnie : le chantage et la lettre anonyme ; leurs auteurs chargés de la vindicte sociale ont maintenant à répondre devant la justice humaine, des lâches coups de poignards qu’ils donnent dans le dos, sous le couvert de l’ombre et du masque !

Il est de ces âmes d’élite, parfumées d’une sublime et douce philosophie, sur lesquelles la calomnie glisse comme la flèche du rationaliste sur le symbole du salut, tant il est vrai que la vertu et la science sont le plus puissant antidote que je connaisse contre le mortel poison de la calomnie.

La soirée battait son plein, quand un des plus brillants causeurs vint à s’éclipser poliment. Ce fut un concert de louanges qui monta vers l’absent, chacun y donnait l’écot de sa voix, quand un noble vieillard à cheveux blancs, mon voisin, se pencha vers moi et me dit une phrase dont je n’ai su la profondeur que cinq ans plus tard :

— Mais ce gaillard n’a donc jamais fait de bien puisque personne n’en dit de mal !…

Donc, chère enfant que j’ai vu pleurer « parce qu’on avait dit du mal de toi, » il faut te cuirasser contre la malignité des gens : on n’a pas de l’esprit et du talent impunément ! La calomnie est l’hommage inconscient de la médiocrité à la supériorité. Dans le grand orchestre de la nature le ouaouaron, comme le rossignol, chante la gloire de l’Éternel.