Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/29

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vigoureuse nourrice. On emporta le poupon vers les jeunes pays où l’air plus pur, les horizons plus vastes élargirent ses poumons et son cœur… Loin des genoux maternels, il apprit à balbutier sa langue, mais son cœur franchissait les océans pour voler vers la mère bien aimée. Quand on lui apprenait qu’elle souffrait, il pleurait. Il pâlissait si l’on parlait d’elle légèrement. Pour tromper son ennui, il apprit l’histoire de la France ; il lut ses poètes, il porta ses couleurs, il chanta ses vieux airs.

Sa mémoire, rebelle aux héroïques exploits des Grecs et des Romains, aux mornes tragédies de l’histoire d’Angleterre, retenait à les avoir une fois entendues l’épopée de Jeanne d’Arc, l’histoire de François 1er, de Henri IV, les luttes de la révolution française pour conquérir la liberté des peuples. Lorsqu’un des nôtres revenait de là-bas, on l’entourait, on lui faisait fête, parce qu’il emportait dans un pan de son manteau un peu de l’air de la patrie. On retrouvait à l’entendre, un écho de la chère voix de France, dont le nom seul nous est une musique.

Ah ! nos ennemis le savent : lorsqu’ils veulent nous faire bondir de rage, ils n’ont qu’à accoler une épithète injurieuse à « Frenchman ! » pour creuser un sillon de haine que seul le sang peut combler…

Quand l’enfant échappe au sein de sa mère, le sentiment indéfinissable unissant les deux âmes se trouve-t-il brisé avec le lien physique qui relie leurs deux vies ?

Demandez-le aux mères ? Est-il un battement du cœur, une douleur, une joie, une espérance, un soupir de l’enfant, dont elle ne palpite d’abord ? Elle, la sainte, la noble, la chevaleresque France, qui vole au secours de l’opprimé, ami ou étranger, serait une mère dénaturée ? Le penser est une flétrissure ! Comme vouloir ne plus s’appeler français serait une infamie. Soyons si l’on veut marseillais, québecquois, normand, canadiens, mais fran-