Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
335
bleu — blanc — rouge

déborde, des poules avec des coricocos sonores pondent de jolis cocos pour les bébés bien sages, avec un sans gêne ! comme si elles disaient. Bonjour… Et le garçon en grand tablier blanc, la bouche en cœur, la voix onctueuse, le teint rose comme la couenne des petits cochons de lait qui dorment leur doux sommeil d’innocence dans un lit de jeunes laitues, de frêles rhubarbes et de microscopiques radis, demande d’un air engageant…

— « Que vous faut-il, encore. Madame ? »

Tout en agaçant le menton du bébé pour se rendre aimable il repousse du pied le chien qui saute dans ses jambes, pris lui aussi de cette gaîté flottant dans l’air !…

Les grandes mannes pleines de beaux œufs transparents se vident à vue d’œil pour la traditionnelle omelette de Pâques, l’omelette qui rissole dans la graisse avec de petits cris d’oiseaux gazouillants. La carafe et la pipe, mises en pénitence pendant quarante jours, reviennent en honneur. Ah ! Dieu sait que de joyeuses fumées vont monter en spirale des maisons en fête tandis que les cloches enrhumées par leur escapade dans les nuages, chantent sur tous les tons : Alleluia !…

Rien de nouveau sous le soleil, dirait le sage Salomon.

C’est encore et toujours la fête de la vie que nous célébrons à Pâques ! Le triomphe de la lumière sur l’ombre, dans l’ordre moral et physique. La sève monte sous l’écorce tendre des arbres et gonfle les rameaux. Une brise molle bat de l’aile sur notre front, chassant les pâleurs, les soucis et les chagrins. Les vieux quittent le coin de l’âtre, las de suivre les châteaux capricieux de la cendre braséante. La pipe éteinte au bec, ils suivent de leurs pauvres yeux clignotants la valse tournoyante de l’hirondelle. L’aïeule suspend l’ardeur de son tricot avec un vague sourire sur ses lèvres décolorées. Tous, dans un souffle large, les membres dégourdis, assistent à la résur-