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bleu — blanc — rouge

rection de la nature et se plongent avec volupté dans un bain de lumière et d’air pur.

Sur le seuil des portes, les commères s’attardent en des confidences interminables, où se mêlent les cris des fillettes qui sautent à la corde, les frisures au vent. Les garçonnets jouent au moine et aux billes, se chamaillent, se talochent et se bousculent. Un bambin, une tartine à la main, se fait culbuter par un gros chien qui happe la tartine et se sauve.

Les chats, paresseusement étendus au soleil, sur le trottoir, ronronnent avec conviction, et les coqs chantent, et le chiffonnier file sa traînante mélopée : Guenilles, bouteilles à vendre !…

Là haut, dans la chambre vide, ouvrant sur la ruelle où pourrissent les déchets de l’hiver, une pauvre malade a tressailli. Le souffle du renouveau vient de courir sur ses tempes. Un coin de ciel auréolé d’or tombe sur son lit par la crevasse du plafond.

— « Je me sens mieux, » dit-elle, en mirant au soleil ses mains transparentes, et un flot de sang pourpre colore sa joue décharnée.

Pâques, c’est aussi le messager des amours ! Il n’y a pas que les buissons à fleurir. Les femmes ont arboré leurs chapeaux en paille claire, leurs robes voyantes. Leurs lèvres comme des bourgeons, craquent et s’épanouissent au soleil : tels des coquelicots.

Dans l’orchestre mystérieux, bien qu’aucun maître ne donne l’attaque, tous entonnent avec un ensemble admirable l’opéra du printemps. — Mais un chant plus doux domine les cuivres et les cordes, comme une mélodie où tremblent des larmes : l’amour.

L’aïeule, déposant un baiser sur le front de sa petite fille, le matin du jour de l’an, lui a soufflé à l’oreille :

— Et je te souhaite un petit mari à Pâques !