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bleu — blanc — rouge

bre, ce sont les vôtres, ô trépassés, vous qui voyez le néant des choses, la vanité de la gloire et le vide de cette chimère qu’on appelle amour terrestre !

Pourquoi appeler morts ceux qui boivent aux sources même de la Vie, revêtus de la tunique brillante de l’immortalité ? La Vérité, la céleste amante, enfin déchire son triple voile et se montre radieuse aux yeux éblouis du chercheur qui, pour la trouver, a pâli sur de vieux bouquins, interrogeant vainement le Ciel sans qu’il s’émeuve des regards ardents fouillant sa voûte énigmatique ; la mer, qui garde le secret de ses fureurs ; la terre, ne donnant que bribe par bribe le mystère de sa formation !

« Et je ne vois rien ! rien ! » gémit le Faust de Goëthe, type éternellement vrai du penseur, du poète ou du philosophe, portant au cœur cette plaie toujours saignante, ce tourment de l’infini, qui dévora tour à tour Salomon, Platon, Augustin, plus irritant encore chez les modernes, Lamartine, Musset, Sully-Prud’homme. Leur luth, aux accents brisés, éveille en nos âmes une nostalgie étrange de quelque lointaine patrie.

« Dans son brillant exil, mon cœur en a frémi,
« Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
« Comme les pas connus ou la voix d’un ami

chante l’auteur des « Harmonies, »

Que ne suis-je familière avec mon Dieu comme Thérèse de Jésus ! Je lui soupirerais sa tendre boutade :

« Que diriez-vous, Seigneur, si je me cachais de vous comme vous vous cachez de moi ? »