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bleu — blanc — rouge

Certes, nous t’aimons, sainte Vérité, et nos âmes se délectent à l’idée des jouissances que l’Éternel réserve à ses amis : cette cour brillante de séraphins amoureux, dont le pinceau de Raphaël serait impuissant à rendre la beauté idéale ; ces flots d’harmonie, où nagent les élus. Mais, par une inconséquence inexplicable, nous nous cramponnons désespérément à la vie, pas toujours rose pourtant, avec son cortège inévitable de soucis, de maladies, de souffrances morales et physiques. S’il nous arrive de désirer des voluptés paradisiaques, ce n’est que le plus tard possible, quand nous aurons épuisé la coupe que nous tenons en main, où nous espérons toujours découvrir une goutte de miel. Le grand Inconnu, qui se dresse devant nous avec ses points d’interrogation sinistres, arrête notre essor vers les beaux pays bleus. Peu d’entre nous brûlent du désir de mourir, pour savoir le mot de la torturante énigme, le grand pourquoi des êtres et des choses !

On exhortait à la mort un malade de l’Hôtel Dieu : « Après tout, lui disait l’hospitalière, le sacrifice n’est pas si grand, laisser cette vie si triste et si misérable… »

— « Oh ! ma sœur, il y a de bons petits bouts, de temps à autre, » soupira le moribond.

Et c’est vrai !… La réponse simple et naïve de ce bonhomme mettait à néant les sophismes des pessimistes, ces oiseaux de mauvais augure, qui ne crient que douleur et malheur, dont les larges ailes noires essaient de nous voiler le bon soleil… Ces disciples de Schopenhauer, promènent sous le ciel bleu leurs rêveries maladives, le rictus amer, convulsant leur bouche, dont l’haleine empoisonnée, comme un souffle de néant, effeuille à plaisir les illusions candides, la naïve croyance au bonheur, au beau, au bien !

À l’instar de ces écorchés, que tout blesse, la souffrance est pour eux une hantise, ils la voient partout : la