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la terre ancestrale

Ne voyant pas dans cette réponse un refus formel, le citadin, rempli d’audace, quitta Hubert pour rejoindre Jeanne Michaud.

Pauvre Hubert ! il se sentait bien petit, bien malheureux, pendant qu’à grandes enjambées, il descendait la côte. Tandis que Morin tournait de beaux compliments, lui, n’avait pas trouvé l’adresse de placer un mot ; il se laissait même sottement damer le pion par l’autre. Ah, cette indomptable timidité devant celle qu’il aimait ! Ainsi pensait le jeune homme ; puis laissant trotter son amère imagination ; « C’est curieux tout de même cette arrivée de Delphis, à travers le bois et juste sur nous. Avaient-ils donc un rendez-vous ? Ah non, ma Jeanne est trop bonne et trop franche pour agir ainsi ; c’est sans doute une pure coïncidence. Pourtant ces églantines, elle ne les a pas cueillies. Ce que c’est que de savoir bien parler ! J’apprendrai moi aussi ; oui, et je sais où aller pour me dégourdir ». Le dépit, le doute, la jalousie, mordaient au cœur le pauvre garçon, pendant que de sa fourche, avec colère, il poussait le goémon hors de l’atteinte des vagues.

Ce fut Jean Rioux qui en improvisa une grimace lorsque, levant les yeux, il aperçut ensemble Jeanne Michaud et Delphis Morin.

— Tonnerre de gringalet ! s’exclama-t-il ; ce que j’en