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Page:Côté - La Terre ancestrale, 1933.djvu/37

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la terre ancestrale

mais ce ne sera pas avec mon consentement, je te le jure. Non, l’absolution pour ce crime, tu ne l’auras jamais de ton père. Pars, va-t-en ; mais tu n’apporteras pas ma bénédiction, je t’en réponds. Pars, mais avant, je te…

— Père, père ! Jean, Jean ! crièrent ensemble les deux femmes en se jetant devant lui.

Le vieillard s’arrêta, regarda avec tendresse tour à tour sa femme et sa fille ; son regard paraissait dire que par amour pour elles seulement il ne continuait pas. Puis, pour montrer que celles-là au moins étaient siennes par le cœur, avec un geste caressant, il leur mit à toutes deux une main sur l’épaule et les contempla longuement. Sans ajouter un mot, il bourra nerveusement sa pipe, l’alluma et, d’un pas que pour la première fois il sentait lourd et tremblant, s’achemina vers les étables.

Avec son âme simple de paysan, il lui semblait que ses bêtes comprenaient et partageaient sa douleur. Allant de l’une à l’autre, avec des caresses, il les appelait par leur nom, leur parlait comme à des êtres humains. Elles faisaient partie de son patrimoine, comme tout ce qui l’entourait ; elles étaient l’héritage des aïeux. En s’apitoyant avec ses troupeaux, c’est à la terre, sa grande aimée, sa fidèle compagne, qu’il déversait son immense douleur.

À la maison, les femmes, retirées dans leur chambre,