Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/131

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dans un sommeil profond, « au moins des sens externes » ; et pendant ce temps il composa de deux à trois cents vers, « si on peut appeler composition un état dans lequel toutes les images apparaissaient devant lui comme des objets, ou produisant parallèlement les expressions correspondantes, sans aucune sensation ni conscience d’effort ».

À son réveil, prenant sa plume, son encre et son papier, il se mit immédiatement et avec passion à écrire les vers dont il avait gardé un souvenir distinct ; mais appelé à ce moment hors de sa chambre par une personne venue pour l’entretenir d’affaires, à son retour il chercha vainement à reprendre le fil interrompu : il s’aperçut, à sa grande surprise et à son grand regret que, quoiqu’il eût conservé la mémoire, vague et confuse, du thème général de sa vision poétique, à l’exception de quelques vers, tout le reste s’était évanoui, « comme les images sur la surface d’un cours d’eau dans lequel une pierre aurait été lancée ».

Si le récit de Coleridge est vrai, et nous n’avons aucune raison sérieuse d’en suspecter la véracité, nous aurions là, selon l’expression de M. J. Aynard[1], « un exemple, unique peut-être, de création poétique dans le rêve et sous l’influence de l’opium ».

  1. La vie d’un poète, Coleridge, par Joseph Aynard.