Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/132

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Sans vouloir aborder prématurément un des plus attachants et des plus mystérieux problèmes qui se rattachent à la question de la conception littéraire, nous n’hésitons pas, néanmoins, à déclarer hasardée l’assertion du très érudit biographe de Coleridge. Lui-même reconnaît, d’ailleurs, qu’on a fourni, depuis, d’autres témoignages de création dans le rêve[1], et sur ce point particulier, nous trouvons que le Dr Dupouy[2] a vu beaucoup plus juste. « Si l’opium, écrit-il, a engendré, chez Coleridge, un rêve dont le thème a roulé sur une lecture immédiatement antécédente, l’objet de ce rêve d’opium n’a pu être choisi que par une influence subconsciente, sinon par un effort conscient, et parce qu’il avait auparavant excité l’imagination du poète en pleine période d’activité créatrice et vraisemblablement en proie à une exaltation anormale… Au lieu d’être, comme la méditation volontaire, un laborieux architecte qui amasse péniblement ses matériaux avant de construire avec eux un solide édifice, l’opium n’a été qu’un habile prestidigitateur qui, par un jeu de glaces, fait apparaître aux yeux émerveillés du spectateur, l’image d’un palais enchanté mais illusoire, qui fuit et s’évanouit lorsqu’on tente de s’en approcher. »

  1. Cf. l’article de M. R. Bergson, dans la Revue Scientifique, du 8 juin 1901.
  2. Les Opiomanes, par le Dr Roger Dupouy.