Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/139

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pour apaiser ses souffrances que pour satisfaire sa curiosité de sensations nouvelles. « Mon seul désir, déclarera-t-il, était de ne pas souffrir » ; mais il franchira bientôt les limites où, cessant d’être remède, la substance devient poison.

Volonté abolie, attention distraite, conversations décousues, correspondance irrégulière, — au point de ne pas lire, pendant des mois, les lettres qu’il recevait — tout cela, l’abus de l’opium suffit à l’expliquer, mais il nous manque un témoignage décisif : ce témoignage, voici qu’il nous est apporté, et par qui ? Par un autre esclave de l’opium, par Thomas de Quincey, dont au chapitre précédent nous avons exposé le « cas ».

Coleridge, au dire de Quincey, lui aurait fait, dès leur première entrevue, la confession de sa déplorable manie. Pour Quincey, l’opium aurait tué Coleridge comme poète, mais celui-ci devait à la drogue « toute son animation dans la conversation ». Ce que Quincey ne dit pas, c’est que son exemple avait achevé de démoraliser Coleridge qui — et on peut faire cette constatation dans des cas analogues — loin de se guérir de sa passion, ne s’y livra qu’avec plus d’ardeur au contact d’un prosélyte. Les lettres que Coleridge écrivait, en 1808, à un des êtres qu’il affectionnait le plus, à Charles Lamb, trahissent ses angoisses à cette date.