Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/173

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Lors d’une visite qu’il faisait au duc d’Argyll, la duchesse cherchait à persuader le poète d’accepter une invitation à déjeuner ; elle lui citait tous les convives distingués qu’elle réunissait ce jour-là à sa table, afin de le mieux décider. Comme elle insistait pour savoir si elle aurait le plaisir de le compter parmi ses invités, Tennyson lui répondit : « J’en aurai l’horreur, duchesse ! »

Mrs Oliphant rapporte que lors d’une visite à Ferringfort, la résidence de Tennyson, elle échangeait avec Mrs Tennyson toute sorte de compliments, quand le poète, qui avait laissé s’écouler sans mot dire ce flot de paroles flatteuses, s’écria brusquement : « Quelles menteuses vous faites, vous autres femmes[1] ! »

Comme on était habitué à ses boutades et à ses incartades, on ne s’en offensait pas ; on mettait sa sauvagerie sur le compte d’une grande timidité et on la lui pardonnait d’autant plus aisément qu’il n’était plus charmant compagnon quand il voulait s’en donner la peine.

« La mauvaise humeur de Tennyson, au dire d’un de ses mémorialistes[2], partait comme une fusée ; quand il avait exhalé son mécontentement, il était tout prêt à reconnaître ses torts et à faire des excuses à ceux qu’il avait blessés. »

  1. A.-C. Benson, Alfred Tennyson, 89.
  2. Rawnsley, Memories of the Tennysons, 65.