Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

lie… » Il ne dit rien sur l’instant, mais il composa en secret une réplique à l’adresse des critiques en général qu’il accablait de sa méprisante ironie :

« Ne blesse pas, s’écriait-il dans une sorte d’invocation, l’âme du poète avec ton esprit superficiel, ne la blesse pas, car tu ne peux la sonder… Sophiste au front obscur, ne t’approche pas, car le lieu est sacré ; le sourire vide et la raillerie glacée n’entrent pas ici… Vous n’entendrez jamais la voix du poète, vos oreilles sont si épaisses, restez donc où vous êtes ; vous êtes tout souillés de péchés ; la source de l’inspiration rentrerait sous terre, si vous paraissiez[1]. »



UNIVERSITÉ DE CAMBRIDGE
Vue du King’s College et de la chapelle (1837)
(Biblioth. Nationale — Cabinet des Estampes)

Toute sa vie Tennyson a été torturé par sa crainte des critiques ; les articles plus ou moins indulgents des « reviewers » avaient le don d’exciter en lui une irritation sourde et d’autant plus pénible qu’elle était impuissante. Il oubliait tous les éloges pour ne retenir que les remarques désagréables : cela tournait à l’idée fixe.

On lui rapporta un jour le jugement d’un clergyman sur un de ses drames ; l’ecclésiastique n’avait pas caché son admiration pour la pièce, mais il ne la trouvait pas adaptée pour la scène.

  1. The poet’s mind, 14. (Traduction de M. Choisy, comme les citations précédentes.)