Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/19

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bouts d’hommes et ces petits bouts de femmes étaient des lutins pleins de gaieté, amateurs passionnés de musique, et qui se plaisaient à organiser des concerts, où chacun jouait d’un instrument désuet. C’était un spectacle étrange que cet orchestre de nabots, aux manières excentriques, et une imagination aussi impressionnable que celle d’Hoffmann devait en être fortement remuée. Une simple chanson, quelques sons de violon ou de luth, surtout quand sa « petite tante » Sophie en pinçait les cordes, communiquaient à l’enfant une commotion nerveuse qui l’agitait tout entier. Ses traits présentaient, du reste, une mobilité presque continuelle et qui s’exagérait sous la moindre influence[1].

Sa sensibilité ne fit que s’accroître avec les années ; à la puberté, son organisme ressentit une

  1. Ce qui frappait chez lui, c’était cette extraordinaire mobilité. Ses saluts consistaient en « petites inclinaisons de la nuque, souvent répétées et toujours brusques… Elles avaient quelque chose de grimaçant et de convulsif ». Sa physionomie était elle-même très changeante et mobile. Quelqu’un qui l’avait rencontré dans un café de Dresde en fait ce curieux portrait : « Son visage, petit et futé, n’était pas le même à deux secondes d’intervalle ; ses yeux perçants brillaient d’une telle lueur et ses lèvres se contractaient en de telles grimaces sarcastiques, que l’on regrettait de ne pas entendre le petit homme les traduire dans son langage… Parfois, il s’asseyait sur une chaise aussi éloignée que possible des autres consommateurs, sans doute pour ne pas être gêné dans ses jeux de physionomie et pouvoir s’y livrer à loisir. » Il serait allé jusqu’à étudier ses tics, afin de pouvoir les décrire : dans un de ses contes, Le Magnétiseur, il s’est mis en scène, sous le nom du peintre Bickert. À noter qu’entre autres tics, il était onychophage.