Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/190

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contre, il eut ce qu’on est convenu d’appeler, d’un terme vague, « des maux nerveux » : des obsessions, des phobies ; il était hanté, par exemple, par la crainte de perdre la vue. Pendant plusieurs années, il se laissa aller au découragement et ne tenta rien pour réagir : sa volonté était comme paralysée. Très ombrageux, très jaloux de sa solitude et de sa liberté, il fuyait les touristes qui reconnaissaient son feutre à larges bords et sa vareuse bleue au col de velours[1].

Cette réserve, cette passion de l’isolement, il les conserva jusqu’à la fin de ses jours.

On pourrait presque dire que la maladie qui l’emporta fut sa première vraie maladie.

À soixante-dix-neuf ans il avait eu une attaque de goutte, mais sa robuste constitution lui avait permis d’en triompher, et il put célébrer son quatre-vingtième anniversaire sans que la cruelle infirmité se rappelât à lui.

Trois ans plus tard, les symptômes de faiblesse commençaient à se manifester ; l’ombre de la mort planait et, peu à peu, devenait plus proche. Le poète éprouvait une difficulté de plus en plus grande à manger ; il se plaignait de douleurs dans la mâchoire qui le gênaient pour mastiquer. Il eut

  1. Tennyson, par Firmin Roz. Paris, 1911, 171.