Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/23

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autant d’instruments de musique, dont les accents le torturaient. Ses hallucinations avaient, du reste, presque toutes un caractère ou un point de départ musical. »

Dans l’ardeur de son délire, il fredonnait un opéra d’un bout à l’autre, devant ses auditeurs ébahis. Il assimilait ses garde-malades à des instruments de musique : « Aujourd’hui, la flûte m’a cruellement tourmenté », désignant par là un ami qui parlait très bas et dont la voix ressemblait à un susurrement. À un autre moment, il lui échappait de dire : « Tout l’après-midi, cet insupportable basson m’a fait souffrir le martyre. » Le basson, avec sa grosse voix, lui avait déchiré les nerfs.

Les soirs où il était resté relativement sobre, dans l’état intermédiaire à la veille et au sommeil, il avait observé, devançant Baudelaire, un phénomène, qu’avec son acuité habituelle de vision il n’a pas manqué de consigner. Il se produisait alors, chez lui, une confusion entre les couleurs, les sons et les parfums.

« C’est comme si, disait-il, les uns et les autres naissaient mystérieusement tous ensemble d’un même rayon de lumière et s’unissaient pour former un concert merveilleux. »

Le parfum de l’œillet rouge foncé, précise-t-il, « agit sur moi avec une puissance extraordinaire et magique. Je tombe involontairement dans un état