Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/247

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la désespérance, le milieu suffit à l’expliquer : « La plaine monotone où il passe sa vie ; le climat rigoureux qui l’oblige, pendant les deux tiers de l’année, à suspendre toute vie active au dehors ; le sentiment religieux développé par cette vie difficile et isolée ; les maux d’une organisation sociale souvent défectueuse[1]. »

Mais il est un autre élément à ne pas négliger, si l’on veut pénétrer plus avant dans la psychologie de Gogol : il convient de ne pas oublier que Gogol n’est pas un Grand-Russien de Moscou, mais un Petit-Russien de l’Ukraine. C’est pour tout dire un méridional, « à l’esprit vif, imagé, porté à la satire ou simplement à la gaieté, sans arrière-pensée ». Son ironie, son humour, son ton d’esprit, à la fois persifleur et sentimental, ce sont traits qui lui viennent de son pays d’origine. Si parfois il apparaît triste, le rire ne tarde pas à fuser à travers les larmes ; mais sous le sarcasme de la raillerie se laisse deviner l’immense pitié pour les souffrants, le sentiment de charité et d’amour pour les humbles[2], qui seront mis plus

  1. Thèse citée, 34.
  2. En 1829, au cours d’un de ses voyages à l’étranger, Gogol écrivait : « Le bras d’en haut m’a conduit hors de mon pays pour que je me prépare dans le recueillement à la haute mission qui m’est destinée et pour que, par degrés, je m’élève à des sommets d’où je pourrai répandre le bien et travailler au profit du monde… si je ne puis être heureux moi-même, je veux