Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/272

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neries, ses vices et ses ridicules, que cet admirable peintre de mœurs a rendu ici avec une vigueur de pinceau qu’il a rarement atteinte.

On ne touche pas impunément à une classe sociale, surtout à la sacro-sainte bureaucratie : Gogol en fit la dure expérience.

« Je suis fatigué d’âme et de corps, écrivait-il au lendemain d’une représentation de sa pièce… Je pars ; là-bas je pourrai dissiper l’ennui que me causent quotidiennement mes compatriotes. L’écrivain contemporain, l’auteur comique, l’écrivain moral doivent se tenir le plus loin possible de leur patrie. Nul n’est prophète dans son pays. Ce n’est pas parce que toutes les classes de la société m’en veulent que je m’attriste ; mais il m’est pénible et douloureux de voir mes compatriotes injustement indisposés contre moi. Ils prennent pour collectif ce qui n’est que partiel, l’exception pour la règle. Un portrait fidèle et pris au vif est pour eux une pasquinade. Montrez sur la scène deux ou trois coquins ; des milliers d’honnêtes gens vont crier : nous ne leur ressemblons pas ! Mais qu’ils vivent en paix !… Je vais à l’étranger, non pas parce qu’il m’a été impossible de supporter une telle situation, mais pour rétablir ma santé, me distraire et préparer mes futurs travaux… »

Comme au temps de son adolescence, le voilà de nouveau tourmenté par cet instinct de migration