Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

niev, il apparut comme « un génie extraordinaire, dont la tête s’était un peu dérangée… En le voyant, on ne pouvait ne pas s’écrier : Quel personnage singulier et malade ! ». Après avoir parlé avec beaucoup d’animation de la vocation littéraire, des créations artistiques, Gogol, à l’ahurissement de son interlocuteur, fit l’éloge de la censure, disant qu’elle était « le meilleur moyen de créer, chez les écrivains, la modestie, la conscience et beaucoup d’autres vertus… À partir de ce moment, poursuit Tourguéniev, son agitation augmente de plus en plus. Il parle de ses profondes convictions religieuses… L’équilibre de son esprit s’était rompu… Une dame âgée entra, lui apportant une hostie sainte consacrée… ».

Il avait commencé par de la lypémanie ; il était parvenu progressivement à un degré de mysticisme qui a pu n’être, au début, que de la piété exaltée, mais qui, à la longue, avait un caractère nettement morbide. À un moment, ne s’était-il pas cru prophète ? « Je ne sais d’où est venu mon don de prophétie », écrivait-il en 1839 à un de ses amis ; et deux ans plus tard, à un autre : « Ma parole a maintenant une puissance supérieure ; ma parole n’est plus la parole d’un homme, mais celle d’un prophète… Mon âme est pleine de lumière… Je jure de faire quelque chose de grand, que jamais aucun homme ordinaire n’a fait… »

Cet accès mégalomaniaque n’est pas le seul que