Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/280

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l’on relève dans les rêves fréquents de ses Confessions que nous avons pu consulter, dans la traduction, avec le regret de n’avoir pu nous référer à la version originale dans laquelle nous aurions certainement découvert bien d’autres manifestations de sa vésanie.

Une fatalité mystérieuse semble avoir passé sur Nicolas Gogol, comme à peu près sur tous les écrivains de sa génération. « Balle ou coup d’épée, désordre nerveux ou consomption, quand ce n’est pas un accident tragique, c’est une langueur inexpliquée qui les abat… Cette hâtive et prodigue Russie traite ses enfants comme ses plantes : elle les fait magnifiques, les presse de fleurir, elle ne les achève pas et les engourdit en pleine sève[1]. »

À trente-trois ans, les facultés productives étaient anéanties chez Gogol ; dix ans plus tard, son dernier souffle s’exhalait.

Reprenant le texte de M. de Vogüé, nous nous accordons avec le prestigieux écrivain, proclamant que « le malheur achève les grandes figures et les rend plus chères à notre compassion émue ».

La fin précoce de Nicolas Gogol nous a peut-être privés d’un chef-d’œuvre ; qui pourrait affirmer qu’elle n’a pas préservé d’une chute irrémédiable cette âme tourmentée de vouloir escalader des sommets inaccessibles à la plupart des hommes.

  1. De Vogüé, loc. cit.