Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/295

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l’apporte, et que la lettre, une fois lue, reste pour jamais sans réponse ».

Les maîtres et leurs hôtes siègent dans le grand salon, « constatant gravement l’allongement ou la diminution des jours suivant la saison, ponctuant de longs silences et de bâillements mal étouffés, leurs réflexions sur les naissances, les mariages et les morts du voisinage, pris parfois, pour quelque niaiserie, d’un bruyant fou rire, qui leur tirait les larmes des yeux ».

C’est dans cette atmosphère déprimante que Gontcharov a passé son enfance, et dont il conservera malgré tout le souvenir attendri. Plus tard, quand il deviendra un homme du monde, un dandy, il se fatiguera tôt de cette vie de plaisir, s’ennuyant partout et sentant peu à peu sa flamme s’éteindre au contact des brutales réalités. Est-ce du byronisme en un temps où le romantisme étend en tous lieux sa contagion ? Ne serait-ce point plutôt « l’ennui tout spontané d’un jeune déraciné de la campagne russe, qui n’est point fait pour l’existence fiévreuse et artificielle de la capitale…, d’un philosophe en robe de chambre, qui ne lit guère, qui n’écrit point, laisse aller ses pensées et partage la vie en deux tranches : l’une, travail et ennui ; l’autre, repos et joie tranquille[1] ».



PAYSANS RUSSES

  1. Thèse citée, 127-8.