Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/294

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Pour un critique moderne qui se pique de psychologie, cette caractérisation est trop exclusive. « Oblomof n’est pas exclusivement le type-symbole de la classe terrienne à l’époque de l’esclavage. Le barine russe, habitué depuis son enfance au service des serfs, était appelé à devenir l’Oblomof dont la volonté s’atrophiait naturellement ; mais à quoi s’exerce la volonté de ce même barine depuis l’abolition du servage ? Il n’a plus de serfs — et encore ! — mais peut-il faire dans son pays autre chose que dormir ? Cela ne lui déplaît pas trop, car autrement… il agirait. Oblomov est l’incarnation vivante des qualités supérieures du Russe : paresse, inactivité, apathie[1]. »

À véritablement parler, en Oblomov, c’est Gontcharov lui-même qui s’est dépeint, non sans ajouter quelques traits empruntés à de petites gens qu’il avait vu vivre et se mouvoir sous ses yeux, de ces « sédentaires endurcis », s’adonnant à une sorte de nihilisme végétatif, n’ayant d’autre préoccupation que de « dignement célébrer les fêtes que chaque année ramène, où la journée se passe des collations matinales au dîner et du dîner au souper, où l’arrivée d’une lettre est un trouble si inutile que le premier mouvement est de la rendre à celui qui

  1. La psychologie des romanciers russes du XIXe siècle, par Ossip-Lourié. Paris, 1905.