Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/298

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Sa robe de chambre ! Elle est comme le symbole de sa vie. C’est son vêtement ordinaire, qui lui permet de rester couché sur son lit ou sur un divan, essayant de lire, puis quittant bientôt le livre qu’il tient pour fixer les regards au plafond, perdu dans nous ne savons quelle rêverie ! Un Oblomov rêve, s’il n’agit point ; il rêve de la gloire d’un conquérant ou d’un artiste, quand il ne pleure pas de pitié sur l’humanité, ou qu’il ne s’indigne pas de l’injustice humaine. Comme Obermann[1], il pourrait dire : « L’apathie m’est devenue toute naturelle. Il semble que l’idée d’une vie active m’effraye ou m’étonne. Les choses étroites me répugnent et leur habitude m’attache. Les grandes choses me séduisent toujours et ma paresse les craindrait. »

C’est bien d’une maladie de la volonté qu’est atteint Oblomov, c’est-à-dire Gontcharov. Il ne connaît pas et il ne veut pas connaître le plaisir d’agir. Il est de ces indolents décrits si magistralement par le philosophe Ribot, qui « savent vouloir intérieurement, mentalement », mais ont besoin, pour agir, qu’une volonté étrangère donne l’impulsion à la leur, et qui, si on les abandonne à eux-mêmes, « passent des journées entières dans leur lit ou sur une chaise ».

Cette volonté étrangère se manifeste, dans le

  1. Obermann, par Senancour, livre XLII. Paris, 1874.